Interview de Florian Mole, producteur de “Un beau voyou”

17 janvier 2019Loic

Avec la nouvelle année, son plein de nouveautés. Voici un entretien recueilli par Sofia ALAOUI d’un des membres de l’association, Florian MOLE, à l’occasion de la sortie en salle de son premier long métrage en tant que producteur : UN BEAU VOYOU, écrit et réalisé par Lucas BERNARD  avec Charles BERLING et Swann ARLAUD.

Sofia Alaoui : Tu es membre de l’association depuis le tout début, nous sommes très fiers de la sortie du long métrage que tu as produit au sein de ta structure de production « Les grands espaces », peux-tu nous parler un peu de ta société de production, de ce que tu développes actuellement ? 
Florian Mole : Elle existe depuis 5 ans maintenant. Je l’ai créée en ayant encore un pied chez Pelléas où je m’occupais entre autres du développement. Je me suis lancé seul parce que je croyais en UN BEAU VOYOU et en son auteur. J’avais le sentiment que ce projet nous permettrait de nous ouvrir les portes des talents et des financements. Ce qui fut le cas fort heureusement. En attendant qu’UN BEAU VOYOU se concrétise, j’ai produit trois courts.
En ce moment, je développe les 2ème et 3ème longs-métrage de Lucas Bernard. Je développe également deux premiers longs ; celui de Matthias Jenny avec qui je viens de faire « Matador » un court-métrage pour Canal+ (en compétition à Clermont cette année) et celui de Jean-François Fontanel coécrit avec Christophe Lemoine. J’ai d’ailleurs rencontré Jean-François lorsque j’étais intervenant dans le cadre de la résidence d’écriture Gray Art Motel organisée avec les Lecteurs Anonymes.

S.A. : “Un beau voyou” est ton premier long métrage au sein de ta structure, quelle a été la genèse du projet, comme as-tu envisagé le développement du film ?
J’ai découvert l’univers de Lucas Bernard par son premier roman « Les lacets rouges » paru au Seuil. J’ai tout de suite été séduit par son écriture, sa liberté de ton et par ce récit déjà profondément cinématographique. Nous avons fait un premier court-métrage ensemble « La place du mort » très noir qui n’a pas fait une grande carrière en festival mais le désir de travailler ensemble était intact. Nous avons alors réfléchi à ce qui pourrait être son premier long et donc le mien. Nous sommes partis de la feuille blanche et petit à petit le projet s’est dessiné. Nous n’avons reçu aucune aide à l’écriture ou au développement. Ce projet est resté (pas bien longtemps) incompris à l’étape du traitement. Dès que la continuité dialoguée est arrivée, le récit a su convaincre.

Florian MOLE

S.A. : Comment travailles-tu avec tes auteurs ?
Je suis très très très présent et ce à toutes les étapes du projet. C’est une façon d’assumer les films sans se défausser sur l’auteur quand la promesse originelle n’est pas là à l’arrivée. Et quand c’est une réussite, c’est une réussite collective. Je ne m’impose pas (enfin je crois) mais je pense qu’un rapport de confiance se tisse dans des échanges permanents. Si bien que lorsqu’une tempête arrive (et il y en a forcément), on peut s’entendre. On reste audible. Mieux comprendre la prise de décision et les désirs d’un auteur nous permet de faire des choix de productions en adéquation avec le projet.
Le développement est évidemment une phase cruciale et j’ai souvent été présent dès les premières étapes d’écriture voire à l’origine de certains projets. Je cherche à comprendre très tôt ce qui importe pour l’auteur et là où nos désirs se rejoignent. J’essaye aussi de leur expliquer l’environnement qui entoure le financement de leur film. Je crois qu’il est important pour eux de comprendre dans quelle économie on se trouve. Le potentiel et les limites de telle ou telle de nos décisions.

S.A. : Fais-tu appel à des lecteurs ?  Si oui, en quoi est-ce si important ?
Il m’arrive de faire appel à des lecteurs. J’aime confronter un sentiment de lecteur à mes intuitions de producteur. Notamment quand on pense qu’un projet est proche de pouvoir se défendre par lui-même. Au-delà de la mécanique dramatique, comment est-il perçu ? Quelle promesse annonce-t-il ?

S.A. : Tu as été lecteur, chargé de développement, en quoi cela a pu t’aider dans ton métier de producteur ?
La dramaturgie a toujours été au cœur de mon parcours et pas toujours de façon consciente. Je continue de lire et d’intervenir sur des projets pour d’autres producteur simplement pour le plaisir d’être à cet endroit. J’aime me poser des questions d’écriture tous les jours et je pense que mes remarques et mes propositions en phase de développement peuvent être entendues parce qu’elles sont argumentées, précises. Ça ne veut pas dire qu’elles seront intégrées mais l’idée est d’en discuter que ça infuse… Bref ! J’adore les joutes dramaturgiques !

S.A. : Quelles sont les difficultés auxquelles tu t’es confronté en tant que jeune producteur de long métrage ?
Tout dépend du type de producteur que l’on souhaite devenir et du type de film que l’on souhaite produire. Les sources classiques de financement se réduisent et la concurrence est importante mais en même temps on reste dans un secteur où cette concurrence est saine puisque subjective. A mon niveau, elle se joue essentiellement sur les talents avec qui on souhaiter travailler. Je n’ai pas le carnet de chèques de certains donc à moi de trouver d’autres façons de les convaincre de travailler ensemble.
Un jeune producteur peut encore se faire une place. Le problème est de durer. Je pense qu’on offre moins de chance de tenter, de se planter et de se relever aux nouveaux entrants qu’il y a dix, vingt ou trente ans. L’arrivée des géants du Net nous oblige collectivement à repenser notre écosystème mais je pense surtout qu’une plateforme comme Netflix n’a pas les mêmes besoins que Canal+. A nous de leur proposer des films qui y trouveront leur place et pas de leur présenter des projets parce qu’ils ne se financent pas par ailleurs.

S.A. : Le scénario est la clé de voute de financement d’un film, as-tu vu une évolution dans la manière d’appréhender le scénario chez les professionnels ?
Globalement, je trouve que le niveau général des scenarii s’améliore d’année en année. Malheureusement, ça ne veut pas dire que les meilleurs scenarii deviendront des films. Des projets “vides” continueront de se monter pour plein de mauvaises raisons. Chaque système a ses effets pervers. Le retour du scénario comme outil déterminant dans le financement d’un film n’empêche pas de défendre l’univers d’un auteur seulement certains auteurs/réalisateurs ne sont pas de bons scénaristes. À nous de bien les accompagner.

Merci à Florian de s’être prêté au jeu et à Sofia pour cette initiative plus que pertinente.

Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Post précédent Post suivant