Les fiches de lecture à l’honneur #4 Spécial Cannes
Une nouvelle livraison d’extraits de fiches de lecture ! Cette fois-ci, focus sur les scénarios lus par nos membres qui se sont retrouvés en sélection au festival de Cannes 2016. Parmi eux, la Palme d’or et la Caméra d’or. Les Lecteurs Anonymes, toujours au plus près de l’actualité du cinéma !
[white_box] « Quoique parfois tiré par les cheveux (encore que ?), le tableau qui est brossé ici de la bêtise bureaucratique est saisissant. On ne peut que se sentir pris au piège, avec le personnage, d’une logique absurde et finalement cauchemardesque. (…) La conséquence est la révolte : toutes ces scènes poussent jusqu’à l’intolérable le scandale de l’injustice, de la bêtise et des règlements aveugles. (…) Il y a une forme de catharsis dans cette histoire, qui rend très forte l’identification entre le spectateur et le point de vue du héros.»
« Il y a quelque chose de réconfortant au spectacle de cette fraternité (…). Le film n’a pas cette condescendance déguisée en compassion dont souffrent certains projets voisins. Il bénéficie surtout d’un atout de poids, l’humour. Associé à la colère, l’humour est une force de libération. »
MOI, DANIEL BLAKE, écrit par Paul Laverty
Sélection officielle – Compétition / Palme d’Or[/white_box]
[blue_box]« Voilà un scénario très efficace et étonnant pour ce qui est de créer du mystère. Dès le début, on est intrigué par ces personnages mutiques (la famille Bréfort) et leur mode de vie. Si le suspense n’est pas maintenu très longtemps sur l’identité des responsables des disparitions, c’est pour mieux renforcer le côté « incompréhensible » du crime : cette famille d’anthropophages reste jusqu’au bout mystérieuse. Le cinéaste parvient à créer une ambiance inquiétante, à la lisière du fantastique. Le côté miraculeux de certains événements ajoute au sentiment que tout dans cette histoire ne peut pas être expliqué. Une grande étrangeté, presque une folie, traverse l’intrigue, qui en dépit de ses vertus comiques, demeure bizarre et parfois terrifiante. Jusqu’au bout, on reste marqué par un sentiment de flou, à la lisière entre réalisme et fantastique ou horreur. »
MA LOUTE, écrit par Bruno Dumont
Sélection officielle – Compétition
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[white_box]« La protagoniste est une grande adolescente assez attachante. Elle est dans un moment de transition dans sa vie, où elle intègre une nouvelle école, découvre la sexualité etc. Chacun peut s’identifier à cette situation. Quand Justine se retrouve dépassée par ses instincts, et menace presque de retourner à l’animalité, le fait que nous nous soyons attaché à elle rend l’horreur d’autant plus efficace. »
« Une des grandes qualités du scénario est qu’il parvient à avancer masqué, tout en exposant sans tricher tous ses pions. Pour le dire autrement, la dimension fantastique et gore du film est amenée progressivement, lentement mais sûrement, sans que l’auteur ait recours (du moins au stade de l’écriture) aux balises et signaux qui sont généralement destinés à séduire d’emblée le public particulier du genre horrifique. »
GRAVE, écrit par Julia Ducournau
Semaine de la Critique – Prix Fipresci Sections parallèles
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[blue_box] « Les scènes sont toujours conflictuelles, quels que soient les personnages. Plus précisément, Michèle (que nous ne quittons jamais) n’a de rapports que conflictuels, que ce soit dans le travail ou au sein de sa famille : les dialogues avec sa mère ressemblent à des battles, les dialogues avec son fils sont sous-tendus par un conflit qui ne demande qu’à exploser. (…) L’héroïne est un personnage comme on en voit assez rarement finalement –du moins comme personnage féminin, puisqu’un certain nombre de ses attributs –autorité, volonté, indépendance, « resourcefulness », inaptitude à exprimer des sentiments…- sont généralement associés aux personnages masculins. Il est assez agréable de cheminer en compagnie de cette femme puissante. »
« Tout simplement, le projet a cette qualité non négligeable : c’est un page-turner. On a toujours envie de savoir ce qui va se passer ensuite. Cela n’empêche pas le film d’être un peu long, mais enfin il peut se le permettre, du moins pendant une bonne heure. Il peut se le permettre parce qu’il parvient à intéresser même quand les scènes ne font pas, à strictement parler, avancer l’action. Ainsi du repas de Noël, qui est une accumulation d’incongruités, de situations embarrassantes et de conflits plus ou moins latents. La scène est réjouissante en soi, pour son côté farce, et non parce qu’elle propulse l’intrigue vers l’avant. »
ELLE, écrit par David Birke
Sélection officielle – Compétition
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[white_box] « Ce qui frappe le plus dans ce projet c’est son écriture. La plume des auteurs est incroyablement minimaliste, presque sèche. En adaptant un roman, on a tendance à parfois alourdir les choses, et au contraire, [ils] racontent leur histoire avec le moins de détails possible. Dès les premières pages, on est captivé par la simplicité, la fluidité de cette écriture très humble et très simple. (…) Cela laisse imaginer un film très simple, presque ascétique par moment, qui joue énormément sur les silences, les ellipses (en 90 pages, le film raconte presque 20 ans, tout de même !). (…) Les dialogues du film, simples, réduits à la portion congrue, riche en non-dits, en silences, lourds d’émotions secrètes, sont assez forts. »
« Le revers de la médaille du parti-pris du film, c’est qu’on pourrait craindre une certaine aridité. En effet, le projet est tellement minimaliste par moment, elliptique, qu’on pourrait redouter que les spectateurs ne rentrent pas dedans, que les émotions paraissent trop à distance, ou que Gabrielle soit trop opaque ou désagréable. J’écris tout ceci au conditionnel bien sûr, car il n’y a aucun moyen de savoir exactement comment le scénario va se concrétiser à l’écran. Mais en effet, on est en droit de penser que le film joue parfois sur des sentiments tellement ténus, retenus, que la catharsis nous fasse défaut. »
MAL DE PIERRES, écrit par Nicole Garcia et Jacques Fieschi
Sélection officielle – Compétition
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[blue_box] « Ce scénario cherche à renouveler le genre du « film de banlieues » en nous attachant de bout en bout au point de vue d’une adolescente, témoignant ainsi d’une certaine féminisation de la délinquance juvénile. Entre humour et désespoir, entre énergie et violence, le point de vue adopté par les auteurs est très pertinent et permet d’ouvrir le récit à d’autres dimensions que celle simplement sociale : c’est aussi un récit d’émancipation, une histoire d’amitié, un teen movie, une quasi-comédie romantique etc. »
« On voit très bien, en lisant, les décors dans lesquels évoluent les personnages. Le camp de roms en bordure de la ville, la cité et ses barres d’immeubles, le centre commercial où vont traîner les jeunes… Ces « paysages » sont à la fois totalement réalistes et un peu étranges, évocateurs, annonçant presque un film d’horreur (zones désertes, lieux délabrés, espaces où les gens errent etc.). »
DIVINES, écrit par Uda Benyamina, Romain Compingt et Malik Rumeau
Quinzaine des Réalisateurs / Caméra d’Or et Mention du prix SACD
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[white_box] « Le projet ne se situe jamais dans le psychologique, lui préférant le registre du mythe. (…) L’onirico-mythique advient par les paysages. Et si l’on se demande au départ pourquoi diable le héros fait ces allées et venues entre les Cévennes, Brest et le marais poitevin, la réponse n’est pas à chercher dans quelque logique de l’intrigue liée aux fameux « objectifs » du personnage, mais plutôt dans ce désir mythologique. Ainsi, quand Léo va chez le médecin (plutôt une « magnétiseuse »), c’est en barque qu’il doit parcourir le dédale de canaux qui mène à la chamane et à son refuge végétal. Ces passages sont évidemment très forts d’un point de vue visuel (qu’on pense à l’image du bébé posé au fond de la barque que son père manœuvre dans la nuit), et l’on touche alors à l’archétype (et pas au stéréotype). »
RESTER VERTICAL, écrit par Alain Guiraudie
Sélection officielle – Compétition
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