Les fiches de lecture à l’honneur #7 Alpe d’Huez 2018
En ce début d’année 2018, Lecteurs Anonymes vous présentent une sélection d’extraits de fiches de lecture « spéciale comédies françaises ». À l’occasion de la 21ème édition du Festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez, nous sommes ravis de partager avec vous les avis des membres de Lecteurs Anonymes qui ont eu l’opportunité de lire et d’analyser les scénarios de 5 des 6 films sélectionnés en compétition officielle cette année.
A noter que nous n’avons pas nécessairement lu les scénarios définitifs de ces films, nos analyses peuvent donc correspondre à des versions antérieures. En tous les cas, il ne s’agit pas de jugements sur les films finis.
Comme des garçons, Larguées, La finale, Une voisine si parfaite, Je vais mieux :
Quels sont les forces et les faiblesses de ces scénarios ?
À vous de les découvrir… bonne lecture !
COMME DES GARCONS
Un scénario de Julien Hallard
SYNOPSIS
Reims, 1969. Démis de ses fonctions pour avoir publiquement insulté le légendaire entraîneur du club de la ville, Paul Coutard, Don Juan désinvolte et reporter sportif à L’Union de Reims, est chargé d’organiser l’organisation de la kermesse annuelle avec Emmanuelle, une collègue qui n’apprécie guère ses manières de dragueur. Fille d’une ancienne gloire du football et elle-même passionnée par ce sport, Emmanuelle propose à Coutard d’organiser un match de foot féminin à l’occasion de la kermesse. D’abord amusé par l’idée, Coutard se prendra au jeu, se lançant avec Emmanuelle, sans le savoir, dans la création de la première équipe féminine de football de France…
L’AVIS DES LECTEURS
Le concept de Comme des garçons est un des points forts du film. Celui-ci est basé sur une histoire vraie : la création de la première équipe de football féminin en France. Attrayant dans son concept, dans la mesure où il est à la fois original et ancré dans l’actualité (émancipation et droits des femmes), l’histoire développe également des thèmes universels tels que la tolérance, la solidarité, la transmission, le courage dans l’épreuve.
Feel good movie par excellence, cette chronique sociale amusante bénéficie de dialogues vifs, drôles, et rythmés dans l’ensemble, ainsi que d’un ton légèrement féministe qui prône la tolérance sans matraquage.
Les personnages sont bien caractérisés. Le personnage de Coutard, par exemple, assure par la présence de conflit dans les scènes où il apparaît. Quant aux joueuses de l’équipe de foot, elles sont toutes définies par des traits de caractère dominant, comme dans les comédies classiques. Cela n’empêche pas le fait que les motivations de certains personnages paraissent un peu légères.
Enfin, concernant les intrigues principale et secondaires, il est à noter que si leur respect à la lettre des règles classiques de narration permet au scénario d’atteindre une évidente efficacité, il conduit malheureusement ce film sympathique à être prévisible et un peu trop gentillet, certaines articulations étant parfois anticipées.
LARGUEES
Un scénario de Eloïse Lang
SYNOPSIS
Brigitte, 59 ans, est au bord de la dépression. Elle s’est faite larguée il y a 6 mois à peine par son mari, lequel s’est recasé avec une fille plus jeune. Classique !
Pour éviter que leur mère ne sombre complètement, ses filles Alice et Rose, que tout oppose, décident de l’emmener en vacances à La Réunion pour lui changer les idées. Leur mission est simple : Sauver maman. Et pour atteindre cet objectif, toutes les initiatives sont permises…
L’AVIS DES LECTEURS
Larguées est un projet divertissant qui emprunte tout autant à la comédie de vacances type Les Bronzés ou Camping qu’à la comédie de « filles trashs » importée des Etats-Unis (Bridesmaids, etc.) dont les rejetons français seraient Connasse, Princesse des cœurs ou Les Gazelles.
Si le point de vue féminin sur la sexualité et la drague est depuis plusieurs années sorti de l’ombre, jusqu’à conduire à une mini-vague de projets dans plusieurs pays et dans plusieurs formats (Girls, Sous les jupes des filles…), il est toujours rafraîchissant de voir ce point de vue s’incarner à l’écran. Avec les trois personnages féminins principaux, nous avons accès à trois points de vue différents sur la sexualité : celui cru et trash du personnage de Rose, celui de la femme ménopausée par Brigitte, et celui de la mère de famille qui craint d’’avoir perdu son sex appeal.
L’arène choisie, la Réunion, est un cadre paradisiaque et rafraîchissant qui promet, visuellement, de distraire le spectateur. Les dialogues révèlent aussi le talent de l’auteur pour écrire des répliques piquantes, enlevées, bien trouvées et tournées.
Si nous avons là un projet de comédie de meuf au soleil qui promet un spectacle hédoniste et déjanté, les thématiques restent plutôt urbaines et « jeunes adultes/trentenaires ». Certains des aspects du film relèvent également plus de la chronique, alors qu’ils auraient gagné à être plus organiques et déjantés. Enfin, si le projet se rattrape par sa vision mordante de la sexualité féminine et des complexes qui vont avec, il n’est pas assez solidement fondé sur ses personnages, dont les enjeux sont un peu dilués ou flous, par moments.
LA FINALE
Un scénario de Robin Sykes, Antoine Raimbault, Julien Hallard, Jean-Christophe Bouzy et Claude Le Pape
SYNOPSIS
Lyon, de nos jours. Roland Verdi, ex-commentateur de foot célèbre, est atteint d’Alzheimer et vit avec sa fille Delphine, son mari Hicham et ses enfants, JB et Pénélope. Lorsque Hicham est placé en garde à vue après un test d’alcoolémie au volant, Roland est confié à JB. Cela n’arrange pas l’adolescent de 16 ans. Celui-ci a prévu de se rendre à Paris afin d’assister à sa finale de basket, dans l’espoir d’être repéré par les sélectionneurs de l’INESP qui seront présents. Pénélope dormant chez une copine et Delphine étant au poste avec son mari, JB décide alors d’emmener son grand-père avec lui à Paris sans rien dire à ses parents…
L’AVIS DES LECTEURS
La finale est une comédie développée selon les règles classique du road movie. Le film met en valeur la complicité naissante entre un ado fan de basket et son grand-père, un ancien commentateur sportif désormais atteint de la maladie d’Alzheimer. Le film traite aussi bien d’amitié, de maladie, de famille, de filiation, que de responsabilité et de passion (passion du sport dans le cas présent). En ce sens, par les thèmes qu’il développe, la Finale tend à être un film familial, pertinent et grand public.
La structure du récit enchaîne les rencontres inhérentes au road movie. La suite de gags et rebondissements ne bénéficie pas toujours à la progression de l’intrigue et un manque de suspense est parfois à noter. Quant aux personnages, à l’exception de Roland, ils pourraient être caractérisés avec davantage d’originalité.
Quant à l’humour, si celui-ci est toujours subjectif, il est, dans le cas, de La Finale, voué à susciter le débat. En effet, on rit de Roland et de sa sénilité. Le ton se veut désinvolte et décomplexé, parfois amusant, parfois un peu cru. Mais attention, certains spectateurs passeront à côté car l’on rit plus de Roland qu’avec lui. Les dialogues sont quant à eux plutôt efficaces, rythmés et vivants.
Une voisine si parfaite
Un scénario de Sophie Marceau
SYNOPSIS
Paris. Hélène, éditrice de romans à l’eau de rose, dirige la maison d’édition Savanah dont elle a revendu ses parts à un magnat new-yorkais qui compte lui imposer une nouvelle directrice de la communication à l’échelle mondiale. Lorsqu’une nouvelle voisine, Mrs Mills, s’installe dans son immeuble, Hélène se prend rapidement d’amitié pour la vieille femme et en fait la nouvelle égérie de sa société. Or, Mrs Mills est un homme, un escroc qui plus est, bien décidé à s’emparer d’une œuvre d’art qu’Hélène tient de sa grand-mère et qui pourrait rapporter gros. Lorsque Hélène découvre la vérité, Mrs Mills, qui se prénomme en réalité Léonard, la persuade de se rallier à lui. Car si son arnaque réussit, Hélène pourrait avoir beaucoup d’argent. De quoi racheter sa société à la maison mère américaine…
L’AVIS DES LECTEURS
Le point de départ du film est assez osé et plutôt hilarant dans le concept. Les comédies de travestissement sont en effet une source infinie de gags. Dans ce genre, se souvenir de l’inénarrable Tootsie. Les situations d’imposture sont toujours fécondes, la promesse narrative étant forcément immense.
Dans le cas présent, nous avons une narration sous forme de poupée de gigogne, riche en faux-semblants. L’alliance de l’imposture et du travestissement fournit au film de bons imbroglios où Léonard doit se dépêtrer de ses identités, jongler avec le mensonge et les apparences pour éviter que son château de carte ne s’écroule. Il y a en plus une belle énergie, un côté bondissant à l’intérieur des scènes qui fait plaisir. On est constamment dans l’action, le rebondissement, la petite surprise. Le tout est assez vivant et agréable à suivre. Il y a un certain charme.
À côté de tous ces points positifs, il faut tout de même pointer quelques longueurs qui traînent un peu la patte. De petits soucis de crédibilité ici et là amènent à se poser des questions qui peuvent distraire le spectateur, l’empêchant de rester concentrer sur une intrigue parfois un peu trop tordue. Malgré ces petits bémols, cette comédie d’imposture devrait séduire un public allant du jeune adulte aux personnes âgées, public fan de Sophie Marceau et nostalgiques de Pierre Richard.
Je vais mieux
Un scénario de Jean-Pierre Améris
SYNOPSIS
Souffrant d’un mal de dos tenace, Laurent consulte un ostéopathe, qui l’envoie chez un radiologue, qui l’envoie faire une IRM. Persuadé qu’il va mourir, Laurent, qui s’est éloigné de sa compagne Elise à cause de sa « maladie », invite ses parents à dîner. Cela tourne à la catastrophe. Le moral à zéro, Laurent n’est pas au bout de ses surprises quand les résultats de ses analyses tombent : il n’a rien ! Il doit surtout se détendre. Mais entre les brouilles familiales, les problèmes avec sa femme et les coups tordus orchestrés par l’un de ses collègues de bureau, la tâche se révèle ardue pour Laurent. D’autant que si la racine de son mal n’est pas physique, elle est sûrement psychologique. Il est temps pour Laurent de mettre de l’ordre dans sa vie…
L’AVIS DES LECTEURS
Le postulat de départ intéressant et prometteur. Dommage que l’on se retrouve en terrain connu un peu rapidement dans le scénario. Celui-ci fait penser aux comédies du théâtre privé, avec beaucoup de dialogues. Des dialogues pléthoriques, des dialogues de bavardage qui manquent parfois de sous-entendus, ce qui peut appauvrir, par ricochet, les personnages, les situations et la vraisemblance.
Si le projet est une comédie dramatique, on peut se demander si le potentiel du genre est assez exploité. Les personnages auraient pu être plus intéressants avec des caractérisations davantage creusées, poussées du côté de l’absurde ou du fantaisiste, du farfelu ou de l’excès.
D’autre part, si le film encourage la communication et développe tout au long du film une philosophie qui peut trouver une résonnance chez un certain public, il paraît néanmoins en décalage et étranger au monde.
Bien que le scénario présente en l’état de nombreux challenges, comptons sur le talent de metteur en scène Jean-Pierre Améris pour nous surprendre avec sa nouvelle réalisation, lui qui a su par le passé toucher le public avec des films tels que Les émotifs anonymes, Mauvaises Fréquentation, C’est la vie.
Textes compilés par Tibwa Nzapa.