Interview de Vero Cratzborn, réalisatrice de “La Forêt de mon père”

9 juillet 2020Anna Marmiesse

Membre de Lecteurs Anonymes, Vero Cratzborn vient de réaliser son premier long-métrage, La Forêt de mon père, avec Ludivine Sagnier et Alban Lenoir, en salles mercredi 8 juillet.

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai fait des études en administration des affaires à Liège, puis en sciences de la communication où j’ai découvert l’histoire du cinéma. J’ai vécu au Québec, où j’ai travaillé pour CTVM Info, qui est l’équivalent du Film Français. Je suis venue à Paris où j’ai travaillé auprès de Claude-Éric Poiroux à Europa Cinémas et au festival Premiers plans, puis j’ai été l’assistante de Bruno Pésery chez Arena Films, un producteur très proche du scénario. Je tapais très vite et j’ai eu l’occasion d’assister des scénaristes, comme Jacques Fieschi et Olivier Assayas sur Les Destinées sentimentales, puis Jaoui et Bacri sur On connaît la chanson. J’ai été assistante réalisatrice de Leos Carax sur plusieurs projets qu’il développait à l’époque. En parallèle, j’ai fait mon premier court-métrage en super 8, mais je ne savais pas encore écrire un scénario. C’est à cette époque que j’ai commencé à lire des scénarios et j’ai senti que je devais me mettre en mouvement et réaliser. J’ai fait quelques documentaires, puis je me suis présentée à l’atelier scénario de la Fémis.

La Forêt de mon père aborde la folie du point de vue des familles. Quelle a été l’origine du scénario ?

Le développement a pris 6 ans. Il y a eu le concours fondateur de l’atelier scénario de la Fémis. J’avais envoyé deux synopsis : Happy Hours, la suite de mon court métrage Les Biches, qui se passait à la campagne dans une ferme mécanisée et Les Châtelains, sur une jeune fille qui entre dans les maisons avec sa mère. J’ai commencé à travailler sur Happy Hours, avec l’idée d’une narration déconstruite dans l’atelier d’Eve Deboise où Thomas Bidegain était intervenant. Mais je me suis rendue compte que ça allait être compliqué d’apprendre la dramaturgie classique tout en essayant d’aboutir à un scénario terminé, j’ai donc développé Les Châtelains. La question du père, de l’amour filial, est venue à ce moment-là : avec le père que j’ai eu, j’ai pu insuffler des choses… Je suis sortie de l’atelier en avril 2012 avec un scénario dialogué de 35 pages et un traitement, que j’ai déposés à l’aide à la réécriture du CNC et à Beaumarchais et j’ai obtenu les deux. Ces aides m’ont permis de continuer l’écriture.

Comment s’est déroulée la collaboration avec les co-auteurs, Ève Deboise et François Verjans ? As-tu sollicité des avis de lecteurs ou de consultants ?

J’ai écrit seule à l’atelier scénario, puis l’aide à la réécriture m’a permis de solliciter des collaborations. Ève Deboise m’avait accompagnée dès l’atelier scénario, ensuite François Verjans a beaucoup participé à l’écriture. J’ai rencontré plusieurs consultants, dont Philippe Di Folco, qui est co-scénariste d’Amalric et auteur de romans. Le temps de financement a été très long, j’ai changé de producteur et lors du deuxième passage à la commission d’avance sur recettes, j’ai rencontré François. J’avais lu ses scénarios en commissions, je les aimais beaucoup et j’ai eu envie de travailler avec lui.

J’ai sollicité des amis lecteurs, en faisant attention à garder la fraîcheur du regard en ne leur faisant pas lire trop de versions. Et il y a eu l’aide précieuse d’Isabelle Fauvel et de Jacques Akchoti.

Quelles ont été les difficultés rencontrées en termes de production ?

Le financement a été le plus long et le plus difficile. Il faut trouver le bon partenaire. Le sujet faisait un peu peur, les gens le trouvaient trop difficile… On a eu un petit budget, 1,5 M€ et 28 jours de tournage. J’ai eu la chance d’avoir le soutien d’Alban et de Ludivine, qui ont vraiment cru au projet. On a finalement obtenu l’avance sur recettes belge et un financement sur 3 pays.

Mon principal regret est de ne pas avoir eu plus de temps au tournage, surtout pour tourner avec des enfants.

Comment es-tu devenue lectrice de scénarios ? Ton expérience de lectrice a-t-elle influencé l’écriture ?

J’ai commencé à lire des scénarios chez Arena, où beaucoup de scénarios arrivaient. Bruno Pesery étant lui-même lecteur, je l’ai assisté dans certaines séances avec les auteurs. J’avais aussi une fonction de consultante au montage sur des long-métrages. Ensuite, j’ai surtout lu pour des commissions, à la fédération Wallonie-Bruxelles et à Pictanovo.

Le fait de lire des scénarios, surtout dans des commissions aussi diverses, m’a permis d’avoir une sorte de kaléidoscope de l’écriture, par exemple, Bruno Dumont, Patricia Mazuy ou Lucas Belvaux ont une forme d’écriture puissante et non traditionnelle. Cela m’a libérée dans l’écriture. Je me propose souvent pour lire, encore aujourd’hui. J’aime beaucoup sentir la personne, son univers. J’ai hâte de voir le film de Nora Martirosyan, Si le vent tombe, qui est à Cannes 2020 et à l’Acid. Je pense qu’on a une responsabilité très importante en tant que lecteur, c’est un gros travail, qui apporte beaucoup en tant que scénariste. Cela m’a formée.

As-tu d’autres projets de films ?

J’ai un projet de série sur le retour d’une guerrière, dans le style de Top of the Lake. Je vais pouvoir revenir à mes envies de déconstruction narrative… Et j’aime beaucoup le processus d’écriture collective.

Le site du film : https://laforetdemonpere.be/

La bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=sGRU9Hhw-u8

Comments (1)

  • Bernard Grand

    10 juillet 2020 at 12 h 42 min

    Oui, bof, un peu trop d’ombre. L’oeil humain ne perçoit pas ces obscurités. Faites une comparaison avec ce que vous voyez sur les plans de tournage et ce que vous sortez !

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